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Mise en place des 3C dans l'académie de Rennes

Une certaine (dés) organisation

Les demi-journées départementales de formation des professeurs documentalistes et CPE ont été organisées conjointement par l’inspection EVS Bretonne – dont on apprendra, lors de la session Rennaise, que M. Quef est désormais le seul représentant, M. Ertaud ayant définitivement quitté ses fonctions, tandis que la décharge syndicale de M. Keime le mobilise à présent presque pleinement (Le recrutement d’un chef d’établissement faisant fonction est en cours pour compléter l’équipe et M. Quef espère l’arrivée d’un ou deux nouveaux IPR à la rentrée) – et le CRDP, en la personne de Mme Bilak, directrice de la structure.

L’annonce de ces réunions est expédiée aux établissements le 28 janvier 2013 – pour une première session programmée au 1er février – sous la forme d’un mail, accompagné d’un courrier de M. le recteur et d’un calendrier des réunions.

Elle ne parvient pas à tous les collègues – lenteur ou omission dans le circuit de transmission interne des établissements ? Incomplétude du mailing utilisé par l’inspection ? Quoi qu’il en soit, l’ADBEN Bretagne, afin qu’une partie de la profession ne soit pas de facto exclue d’un dispositif loin d’être neutre en termes d’enjeux professionnels, relaiera le message initial sur la liste ARDOC dès le 1er février.

Le calendrier des réunions, communiqué par l’inspection, présentait aussi un oubli : le BAPE de Fougères / Vitré, non prévu, qui sera finalement rattaché a posteriori à la réunion rennaise.

Les sessions sont organisées par BAPE – un découpage géographique dans lequel de nombreux collègues ne se reconnaissent pas, la formation continue indigente dans notre discipline l’ayant depuis longtemps rendu virtuel, au profit de regroupements par groupe de secteur, lorsqu’ils peuvent encore se tenir. Les collègues ne se connaissent pas, le public est nombreux et la présence conjointe des professeurs documentalistes et des CPE – dont le degré d’information sur les 3C est visiblement très variable – auxquels s’adjoignent quelques chefs d’établissement, seront autant de facteurs entravant une prise de parole libre et informée.

Les réunions successives – six au total, s’étalant entre le 1er et le 22 février, veille des vacances – présentent globalement la même trame. L’organisation théorique annoncée au départ était la suivante :

  • 15 min. d’accueil
  • 1h45 de plénière :
    • conférence « Politique éducative d'établissement et mise en place des centres de connaissances et de culture » (intervention de M. Quef, IA/IPR E.V.S)
    • Débat avec les participants.
  • 1h00 d’ateliers en groupes
  • 30 min. de restitution / synthèses flash

Dans les faits, une intervention – plus ou moins développée – du représentant du CRDP (Le plus souvent Mme Bilak, directrice, ou son représentant selon les sessions) viendra s’ajouter à la conférence de M. Quef. Le temps dédié à l’échange et au débat, relégué à la fin de la conférence, sera souvent très insuffisant et les ateliers, écourtés, ne pourront parfois se tenir que de façons très informelle (Session de Saint-Brieuc). La « synthèse flash » finale portera bien son nom et n’autorisera qu’une prise de parole succincte des rapporteurs désignés par les groupes d’ateliers, dont beaucoup n’auront même pas l’occasion de s’exprimer (Ex. : Session de Rennes – un rapporteur seulement sera appelé au micro ; faute de temps, les autres seront ensuite brièvement invités à compléter depuis la salle, avant que la synthèse formulée par l’inspecteur ne débute… A Saint-Brieuc, les rapporteurs devront réclamer fermement la parole pour qu’on la leur donne).

Au-delà de cette parole en grande partie empêchée avant – le calendrier ne permettant que peu d’anticipation – et pendant les sessions – pour les raisons exposées plus haut – un nombre conséquent de collègues indiquent que rien ne favorise de surcroit le débat a posteriori : adossement de la série de réunions aux vacances, absence de cadres de réunion en dehors des groupes de secteur, dont tous ne bénéficient pas, regard de l’inspection sur la liste de diffusion académique – régulièrement mentionné par M. Quef lors des réunions…

Ce dernier ayant annoncé la rédaction, à l’issue de l’ensemble des réunions, d’une synthèse officielle communicable aux participants mais, surtout, à l’inspection générale EVS, ces divers états de fait – ajoutés à la forme de l’argumentation déployée – posent un réel problème de représentativité de la parole ainsi remontée à notre institution de tutelle.

L’implication du CRDP

Le CRDP est, sans surprise, étroitement impliqué dans le pilotage du dispositif de déploiement des 3C, à travers deux champs d’intervention distincts.

L’un, prévisible et attendu, concerne l’accompagnement des équipes souhaitant expérimenter le modèle, par la mise à disposition de ressources – essentiellement numériques (Plan DUNE, « Guide TICE pour le professeur documentaliste »…) et de matériels (tablettes, mini-projecteurs, valises de balado-diffusion etc…), la formation technique dans le domaine du numérique éducatif et l’animation pédagogique. La présentation de cet axe est plus ou moins développée selon les sessions : d’un exposé exhaustif – perçu comme très commercial, à l’instar de l’intervention subie lors des journées académiques de l’an passé – à Lannion, cette partie du discours se réduira considérablement au fil des réunions suivantes, jusqu’à quasiment disparaitre.

L’autre champ d’intervention est plus discutable et préoccupant : le CRDP mène actuellement, de manière active, un travail de « sensibilisation » – que d’aucuns pourraient concevoir comme un lobbying – auprès des collectivités locales pour pousser le concept du 3C et en favoriser la prise en compte pleine et entière dans les problématiques d’équipement et de conception des locaux. M. Quef indiquera ainsi, à Lannion, qu’une « rénovation ou une création d’établissement est une opportunité à saisir pour mener une réflexion sur la mise en place des 3C ». (Note : Jean-Jacques Pellé, de la direction des collèges au CG du Finistère, fait partie du groupe de travail auteur du Vademecum « Vers des centres de connaissance et de culture » (voir référence complète en page 3) et a co-animé, aux côtés de J.L. Durpaire et M. Lamouroux, la table ronde « Le CDI : quel espace de formation » aux dernières Rencontres SavoirsCDI à Rennes en Octobre 2011)

Dans le discours du représentant du CRDP, repris en filigrane par M. Quef, apparait également l’idée que la nécessaire et inéluctable évolution des CDI doit se construire sur la base d’un rapprochement fonctionnel avec le modèle du CRDP et des bibliothèques de lecture publique (les Champs Libres seront cités plusieurs fois au fil des sessions), dont ils partageraient les problématiques – éludant totalement l’évidente distinction des finalités propres à la documentation scolaire. On présente ainsi à Lannion le fructueux rapprochement entre animateurs TICE et documentalistes au CRDP, l’adaptation opérée par les Champs Libres en termes d’horaires d’ouverture en vue de répondre à la « forte demande » des publics lycéens et étudiants sur les créneaux du soir (la part de fréquentation respective de ces deux publics – pourtant distincts – sur ces créneaux étendus ne sera pas détaillée…)

Le choix, l’inéluctabilité et le respect des personnels

Le point d’ancrage du discours de M. Quef sera toujours le même au fil des différentes réunions du dispositif. Il s’appuie sur deux présupposés :

  • l’indiscutable nécessité de l’évolution des CDI – et surtout celle des pratiques professionnelles des personnels qui y exercent – tels qu’ils existent actuellement ;
  • le caractère inéluctable du développement des 3C, concept selon lui acté et dont le déploiement effectif est déjà lancé. « Ce n’est pas une utopie mais une réalité », assènera-t-il ainsi lors de la session de Lannion.

Par conséquent, les objectifs de la formation sont clairement énoncés : « nous ne sommes pas là pour débattre du modèle, mais pour discuter des modalités de sa mise en œuvre ». Cependant, M. Quef présente les modalités de la conduite de changement qu’il entend mener d’une manière qui ne semble pas s’embarrasser de contradictions…

Il conduira ainsi le changement avec l’ensemble des personnels concernés – « Rien ne se fera sans vous, ou contre vous » et sans caractère d’obligation ou de contrainte, contrairement à certaines académies comme l’Alsace-Lorraine ou la Région aurait « imposé le modèle des 3C » (sa conférence se termine pourtant toujours sur le visionnage commenté de la vidéo présentant l’exemple alsacien de Schiltigheim…). Il assure aux équipes volontaires un accompagnement « en douceur », conjointement mené par l’inspection générale EVS, l’inspection académique – six chefs d’établissement (qui ne seront jamais nommés) ont d’ailleurs été formés et sont désormais « en charge de missions d’inspection » – et le CRDP. M. Quef se propose également de se faire le porteur de 4 valeurs :

  • Respect des autres et de soi-même
  • Respect des pratiques existantes tenant compte des contextes locaux
  • Valorisation des acteurs
  • Rappel du cadre de l’institution, qui fixe les objectifs : en tant qu’agents de l’état, nous sommes tenus de les appliquer. Notre liberté pédagogique ne s'exerce que dans le cadre des directives institutionnelles.

Pourtant, la suite du discours – au ton décrit par nos collègues de Brest, de Lannion, de Pontivy, de Rennes, de Saint-Brieuc comme oscillant perpétuellement entre fausse flatterie, culpabilisation des personnels et autoritarisme – semblera développer surtout l’idée portée par la quatrième des valeurs énoncées…

Les participants seront ainsi informés au fil de l’argumentaire que le déploiement des 3C dans l’académie de Rennes relève d’une volonté forte du recteur, qu’il « concernera à la rentrée prochaine les seuls établissements volontaires, et d’ici deux ans, tout le monde » (réunion de Pontivy)…

A Saint-Brieuc, il déclarera « qu’il ne tiendra pas rigueur aux collègues, lors de ses inspections, de leur non mise en œuvre de ce dispositif, pour peu qu'ils puissent argumenter que dans le contexte de leur établissement, pour telle ou telle raison, il ne leur a pas été possible de le mettre en place ». Et de compléter : « Toute autre forme de refus du 3C est idéologique».

A Rennes, on entendra ceci : « Je ne conteste pas vos choix, mais je vous dis qu'il faut faire évoluer quelque chose qui va à l'encontre de l'intérêt de l'Ecole ». Dans la salle, ceux qui riront, au cours de la conférence, de certains exemples quelque peu caricaturaux se feront réprimander en public : "Votre rire ne me fait pas rire !", "Il s'agit d'une approche critique, il ne s'agit pas de rire, c'est une attitude inacceptable !".

Concernant « ceux qui refusent les 3C », M. Quef emploiera aussi, toujours à Rennes, les termes de "fantasme", de "déni". Lorsqu'il parle des organisations qui se montrent critiques vis à vis du modèle – FADBEN, syndicats… – il emploie le terme « d'idéologies bloquantes », qu’il accuse « d’empêcher la profession de réfléchir ». Il citera aussi la FADBEN à Brest, pour indiquer évasivement : « ses revendications ne peuvent en aucun cas être satisfaites, car cela aurait pour conséquence la fin de votre fonction »…

Au terme de la série de réunions, les collègues ayant assisté à la session de Quimperlé notent cependant un net changement de ton, moins autoritaire, plus conciliant, recherchant davantage le consensus. Ainsi, les collègues présents ont-ils pu entendre : « On ne produira aucune contrainte sur les équipes d’établissement, aucune violence, rien ne se fera sans l’accord des équipes éducatives, mais il faut réfléchir à comment mettre en place les 3C car il y a un engagement académique. L’intention de l’inspection EVS et du CRDP est de mobiliser documentalistes et CPE et de recueillir les avis de chacun. »

Ce changement dans la forme fera écho à une certaine variabilité, au fil des sessions, dans les contenus qui, loin de rassurer la profession, génèrent un sentiment de flou et d’inconstance.

3C : textes et documents de référence

Les textes de cadrage donnés en référence lors de la série de réunions sont les suivants :

  • P. Saget. « Principe pour l’élaboration d’une politique éducative d’établissement » – Mai 2011. [http://cache.media.education.gouv.fr/file/2011/56/1/2011-049-IGEN_215561.pdf->http://cache.media.education.gouv.fr/file/2011/56/1/2011-049-IGEN_215561.pdf]
  • J.-L. Durpaire, M. Lamouroux, B. Robert, J.P. Véran. « Vers des centres de connaissance et de culture : le vademecum » – Mai 2012. [http://cache.media.eduscol.education.fr/file/actus_2012/77/1/2012_vademecum_culture_int_web_214771.pdf->http://cache.media.eduscol.education.fr/file/actus_2012/77/1/2012_vademecum_culture_int_web_214771.pdf]

Ils sont complétés par les documents suivants :

  • J.-L. Durpaire. « CDI, Learning centres, bibliothèques augmentées,3C, bibliothèques d’études. Quels termes pour quels projets ? Quels lieux pour quels usages / usagers ? ». ENS Cachan, 10 janvier 2013. [http://www.stef.ens-cachan.fr/manifs/sem_ens_tic/Jean-Louis_Durpaire_CDI_Learning_centers_seminaire_STEF_2013_01_10.pdf->http://www.stef.ens-cachan.fr/manifs/sem_ens_tic/Jean-Louis_Durpaire_CDI_Learning_centers_seminaire_STEF_2013_01_10.pdf]
  • Lisbonne 2000. Colloque « Concevoir les établissements scolaires dans une société de communication : biblio-thèques et centres de documentation » http://www.oecd.org/fr/edu/educationeconomieetsociete/1933434.pdf
  • D. Tuchais, J.P. Véran. « Guide TICE pour le professeur documentaliste – Enjeux numériques ». 2012. Sommaire disponible sur : [http://boutique.crdp-amiens.com/attachment.php?id_attachment=110->http://boutique.crdp-amiens.com/attachment.php?id_attachment=110]
  • L. Chatel. « Orientations et instructions pour la préparation de la rentrée 2012 ». BO n° 13 du 29 mars 2012. [http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=59726->http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=59726]

La circulaire de mission de 1986 n’est jamais citée, sauf pour dire qu’elle ne fera pas l’objet d’une refonte. Mis à part le Vademecum – texte institutionnel sans statut règlementaire – et la circulaire de rentrée Chatel 2012 qui le cite à titre de possible expérimentation, aucun de ces textes ne mentionne le 3C en tant que tel. La lecture du support de la conférence de M. Durpaire à l’ENS Cachan est éclairant, de par la claire similitude entre sa trame, les illustrations et références données et celles du discours dispensé par M. Quef lors de cette série de réunions académiques.

Pour compléter cet ensemble de références, le clip vidéo promotionnel du projet de Schiltigheim est disponible sur : [http://eduscol.education.fr/cid59679/les-centres-de-connaissances-et-de-culture.html->http://eduscol.education.fr/cid59679/les-centres-de-connaissances-et-de-culture.html]

Vous trouverez également sa transcription ici : [http://eduscol.education.fr/cid59964/transcription-clip-les-centres-connaissance-culture.html->http://eduscol.education.fr/cid59964/transcription-clip-les-centres-connaissance-culture.html]

Déploiement du concept : repères chiffrés

Le déploiement du modèle du 3C serait déjà, selon M. Quef, effectif dans de nombreux établissements, chiffres à l’appui. Mais au fil des réunions, ces données varient de façon incompréhensible. Au niveau national, à Brest, ce sont 145 expérimentations effectives qui sont annoncées (contre 5 learning centres…). A Rennes, le chiffre tombe à 114, à Pontivy ce sera 117, à Saint-Brieuc 110. Lors de la dernière session à Quimperlé, le chiffre de 117 revient.

De la même façon, au niveau académique, M. Quef annonce à Lannion que quatre collèges et trois à cinq lycées bretons se seraient déjà lancés dans l’expérimentation. A Brest, ce sont cinq collèges et deux lycées qui seraient engagés dans la démarche. Il ne les liste pas, mais fait allusion au fil du discours au collège de Baud où les élèves sont en autonomie le midi, et la cité scolaire Beaumont de Redon, au motif qu’elle ne "trie pas" les publics accueillis… A Rennes, ils ne seraient plus que trois collèges (dont le collège de Moëlan-sur-Mer, le seul qu'il citera nommément) et un lycée. A Pontivy, il indique qu’il y aura dès l’année prochaine dans notre académie sept établissements s’engageant dans le 3C ( le seul cité est une nouvelle fois le collège de Moélan-sur-Mer). Lors de la réunion de Saint-Brieuc, il déclare qu’à Rennes, trois établissements disposeraient déjà un 3C (ce chiffre passera à quatre au fil du discours), que dix seraient intéressés dans l'académie et que trente se mobiliseraient autour de ce projet. A Quimperlé, ce sont onze établissements qui seraient déjà engagés dans le processus.

Au-delà de leur variabilité en elle-même préoccupante, ces chiffres concernent-t-il finalement des établissements déjà engagés, des établissements intéressés par le concept, ou les objectifs de l'inspection à court terme ? Aucune définition claire n'est apportée, les critères d'attribution de l'appellation 3C ne sont pas donnés : le cahier des charges semble ne pas exister. Est-ce là ce que recouvre la phrase entendue à Quimperlé : « Il n’y aura aucune institutionnalisation du processus », qui fait écho à des déclarations répétées selon lesquelles le changement se fera sans texte officiel de cadrage, sans modification de la circulaire de missions, sans moyens supplémentaires ? Le suivi et l’évaluation de cette « expérimentation » sera-t-il à l’avenant ?

D’autre part, la liste des établissements concernés n’est jamais clairement donnée et les exemples cités – bien peu nombreux au plan académique – le sont selon des critères qui ne convainquent pas. A l’échelon national, au-delà de Schiltigheim dont le clip promotionnel sera visionné dans chaque réunion (bien qu’il ne s’agisse pas, au moment ou la vidéo a été tournée, d’un 3C – comme le précisera M. Quef lors de la réunion de Saint-Brieuc, mais qu’il a depuis été modifié pour en devenir un…), aucun exemple concret n’est apporté : on cite à Brest un « lycée de Lyon » ou l’académie de Toulouse et dans les dernières réunions, un 3C à Lille, intégrant une imprimerie – sans davantage de précisions propres à permettre au collègues qui le souhaiteraient de rechercher un quelconque complément d’information.

Tout ceci accentue l’impression persistante et dérangeante de flou et d’absence de transparence dans l’expérimentation proposée.

Déploiement du concept : aspects pratiques

A Pontivy, M. Quef apportera des éléments sur la mise en place concrète de cette expérimentation. La première instance concernée est le conseil pédagogique de l’établissement qui doit se mobiliser sur la mise en place des 3C. Plus on associera les enseignants à ce projet et plus on sera efficace. A Saint-Brieuc, il annonce qu’il présentera un rapport à M. Le Recteur à la rentrée des vacances sur cette série de conférences ; il complètera à Quimperlé en affirmant avoir récolté, depuis le début des réunions, plus de 300 réactions-productions de documentalistes, dans sa boite mail professionnelle, « certains critiques mais tous très intéressants et constructifs ».

Il annonce également à plusieurs reprises qu’une politique documentaire académique – si souvent annoncée depuis son arrivée en Bretagne – sera bientôt définie, intégrant les modalités du déploiement du modèle des 3C, à travers la constitution d’un comité de pilotage placé sous la direction du recteur. A Quimperlé, il précise que ce groupe sera très élargi et que toutes les instances, mêmes syndicales, y seront invitées – ce qui constitue un revirement par rapport à l’état du dossier tel que formulé l’an passé.

Le pilotage est assuré en local par le chef d’établissement, auquel incombe aussi la responsabilité de dégager les moyens nécessaires au projet. En effet, aucun moyen supplémentaire ne sera attribué aux établissements : il s'agit au contraire de répartir différemment les moyens existants, par exemple en réduisant de 55mn à 50mn le temps de cours des enseignants, afin de dégager 1h30 hebdomadaires pour permettre la concertation. M. Quef ajoute à Saint Brieuc qu’il ne s'agit aucunement de créer des postes d’assistants documentalistes, les documentalistes restent seuls responsables du 3C, même s'ils ne sont pas présents. La vie scolaire ne sera pas davantage pourvue en moyens humains. Pourtant, lors de la dernière session, un nouveau revirement s’opère dans le discours : « si une DGH ne permet pas la mise en place d’un 3C, le chef d’établissement doit le lui signaler et il fera pression sur le DASEN pour augmenter la dotation : il vient de réussir cela dans un établissement (non cité) ce mois-ci car le projet 3C était très intéressant ».

Concernant l'accompagnement technique, M. Quef indique à Pontivy qu’il se fera a posteriori, afin d’éviter que l’attribution systématique de financements à l’ensemble des établissements, ne fasse apparaitre la mise en place d’un 3C comme une contrainte et non comme un choix volontaire de l’établissement.

Concernant la formation des équipes à la mise en place des 3 C, une formation PAF à public désigné aura lieu en mars-avril et réunira pendant 6 journées (deux fois trois jours) une douzaine de trinômes professeur documentaliste / CPE / chef d'établissement, l’enjeu de ce stage étant de partir des indicateurs de l’établissement et d’élaborer un dossier de mise en place d’un 3 C.

Les équipes volontaires s’engageant dans le dispositif bénéficieront d’un accompagnement croisé du rectorat, de l’inspection (M. Quef a annoncé à Rennes la mise en ligne prochaine de courtes vidéos sur le déploiement du 3C en Bretagne et ailleurs) et du CRDP.

Pour l’ensemble des CPE et professeurs documentalistes de l’académie, une seconde demi-journée départementale aura lieu au mois de mai, afin d’effectuer un premier bilan d’étape et poursuivre le chantier engagé. A Quimperlé, les chefs d’établissement y seraient également associés.

Pour finir, à Quimperlé, les ESPE seront mentionnées pour annoncer qu’elles accompagneraient eux aussi le 3C, en termes de formation initiale et continue. Dans le cadre de la préparation de leur mise en place à la rentrée prochaine, de nouveaux référentiels de compétences professionnels sont en cours de négociation. (Pour plus d’informations sur ces textes et leur genèse, voir le site de la FADBEN)

3C : quid est ?

La logique du 3C est, selon M. Quef, une nécessité impérative pour l'avenir de l'Ecole, un enjeu crucial. La démarche de déploiement engagée découlerait ainsi de deux urgences d’ordre sociétal, que nous ne pourrions pas, en tant qu’agents du service public, refuser de prendre en compte :

  • considérer l'enfant dans l'élève : nous devons rendre compte de la dimension sociale de l'école, en faisant participer les élèves et les parents à qui nous ne laissons pas assez d'ouverture, en permettant la resocialisation des élèves décrocheurs.
  • mettre en place une veille et une lutte contre le cyber-harcèlement, fléau majeur causant de trop nombreux suicides chez les jeunes qui nous sont confiés et envers lesquels nous avons une responsabilité. (à Brest, Rennes, Saint-Brieuc, Quimperlé des statistiques locales et nationales seront données, accompagnées de la mention d’un « scandaleux projet de téléphone portable connecté destiné aux enfants de deux ans »)

Le rapport SAGET, présenté dans toutes les réunions comme l’un des textes de référence du 3C aux côtés du Vademecum, pointe par ailleurs un réel problème de perception du sens du travail scolaire par l’élève. Or, selon M. Quef lors de la réunion Rennaise, la construction de ce dernier, garantissant la réussite de l’élève, ne « dépend pas de la façon dont Mme Dugenou, prof de math, fait son cours », mais du « climat scolaire ». Car, comme on l’a entendu à Lannion, « ce qui fait sens pour un élève, ce sont des toilettes non fermées, un CDI toujours ouvert, des déplacements dans les couloirs sécurisés affectivement etc… ».M. Quef cite aussi dans plusieurs réunions une expérience lyonnaise – dont il serait à l'origine et qui perdurerait – de retrait physique de toutes les portes de l’établissement, à l’exception des portes coupe-feu. A Quimperlé, il déclarera qu’ouvrir un 3C c’est ré-attirer les élèves qui vont au troquet le midi.

A Pontivy, Mme Bilak énoncera ainsi l’objectif premier de la mise en place des 3C : optimiser le temps hors cours des élèves. Cet objectif sera décliné par M. Quef autour des compétences de responsabilisation et d’autonomie de l’élève, correspondant aux piliers 6 et 7 du socle commun (Le pilier 4 ne sera en revanche jamais mentionné), socle commun qui sera selon lui bientôt étendu au lycée et dans lequel « Il faut faire entrer l’info-doc et la Vie scolaire ».

Dans le cadre du 3C, le CPE et le professeur documentaliste sont présentés comme experts et conseillers techniques du chef d’établissement sur la gestion conjointe de ce temps hors-classe qui – comme le bien-être de l’élève et la culture – est cependant l’affaire de toute la communauté éducative, y compris les enseignants.

Ces derniers, à en croire M. Quef, s’en déchargeraient actuellement beaucoup trop. Une série d’exemples caricaturaux et insultants, très mal perçus par les collègues présents, viennent illustrer cette assertion dans plusieurs réunions : un enseignant passant sans intervenir près de deux élèves qui se battent dans les couloirs et, interpellé par M. Quef, répondant crânement que « son métier est d’enseigner » ; un autre qui exclut un élève « juste parce qu'il n'a pas sa trousse » ; un troisième qui dit aux parents d'un élève qu'il « identifie dès la sixième ceux qui n'iront pas jusqu'au Baccalauréat »… A Quimperlé, c’est une équipe entière qui est épinglée, pour cause de pratique massive du « jeu de la clenche » (les élèves sortis de cours ne vont plus chez le CPE mais restent dans le couloir, à côté de la porte de la salle d’où ils ont été renvoyés et tiennent la « clenche », c'est-à-dire la poignée de la porte : ils doivent maintenir la pression pour assurer l’enseignant de leur présence)

Revenant aux CDI, l’inspecteur dresse ainsi le diagnostic de l’existant : les CDI présentent aujourd'hui une grande diversité de situations, dépendant fortement de la vision personnelle du documentaliste qui y exerce. La réalité des CDI est différente en collège et en lycée et la prise en compte du numérique y est globalement positive. Il constate qu'il existe déjà des 3C qui n'en portent pas le nom. M. Quef opère par ailleurs une distinction entre learning centre et 3C, selon l’argumentaire suivant : le 3C ne serait, contrairement au LC, pas un modèle clé en main mais un état d’esprit, une « idée pédagogique » qui pourrait être adaptée à chaque établissement. Le déploiement complet du concept de 3C, y compris dans sa dimension architecturale, serait un objectif à moyen, voire à long terme, mais son ambition est ici d'en implanter l'esprit, la dynamique, sans délai. Le modèle du Learning centre, quant à lui, serait abandonné, notamment à cause de son manque d’adaptabilité et de son caractère trop contraignant. Pourquoi, dans ce cas, est-ce la terminologie toujours retenue par M. Durpaire dans la conférence tenue à l’ENS Cachan le mois dernier et donnée en référence lors des présentes réunions ?

Revenant au cœur de la problématique des réunions, M. Quef détaille à chaque session ce qu’est un 3C en commençant, toujours, par ce « qu’il n’est pas », ce qui constitue des pratiques contraires à l’esprit souhaité et donc, qu’il « ne veut plus voir ».

Le CPE « qui trie les élèves autorisés à aller au CDI, les rangeant deux par deux en file » est l’exemple qui reviendra de manière systématique, avec le « professeur documentaliste qui ferme le CDI pendant la pause méridienne ».

S’y ajoutent également en bonne place : le « professeur documentaliste qui considère que le CDI n'est pas une salle d'étude » et « l’ouverture du CDI par le seul documentaliste ». Les « CPE et les enseignants doivent aussi s'y mettre : il n'est plus question de tenir un discours négatif sur les CDI », rapportent nos collègues de Lannion. Et M. Quef d’illustrer son propos avec le cas d’un « professeur déclarant à l’un de ses élèves que le CDI est un endroit mortel, bien trop silencieux, où l'on ne trouve rien de ce que l’on y cherche ».

Par opposition, à ce point de la conférence, il en arrive logiquement à développer ce qu’est un 3C.

Le premier critère est celui de l’ouverture étendue, de l’accès maximal : une ouverture en continu, 7h/22h lorsque cela correspond aux besoins du public accueilli, comme dans le cas d’un internat. Le but est une ouverture sur 100 % du temps élève, voir hors des heures de cours. « No limit », assènera-t-il lors de la réunion de Pontivy.

L’équipe de direction doit organiser des emplois du temps cohérents et accroître l’amplitude d’ouverture du lieu. Faut-il mettre cet aspect en regard de la mention relevée dans le support de la conférence de M. Durpaire à l’ENS Cachan à des publics internes ou externes à l’établissement scolaire, faisant écho à l’une des orientations de Lisbonne 2000 : « La bibliothèque scolaire ne sera plus désormais exclusivement au service de l’école » ?

Quoi qu’il en soit, le professeur documentaliste ne peut donc plus être le seul à assurer cette ouverture. Elle sera par conséquent partagée entre différents acteurs, au premier rang desquels sont cités des élèves, en autonomie sur des créneaux identifiés. Par exemple, celui de la pause méridienne : à Lannion, Brest, Rennes, Saint-Brieuc, M. Quef expose un dispositif au sein duquel des élèves ouvrent le CDI seuls sur la pause de midi : cela « ne pose aucun souci règlementaire » et « fonctionne très bien lorsque cela prend place dans un projet collectif, prévoyant une collaboration étroite avec la vie scolaire autour d’un règlement drastique (élaboré en " conseil du CDI " et assorti d’une " charte d’utilisation des TICE pendant et en dehors des cours ") et une formation des élèves à PMB (" prêt et retour, cela prend quatre minutes ! ") ». A Lannion, il annonçait le passage d’un adulte une fois sur le créneau concerné. A Rennes, ce sera toutes les vingt minutes. A partir de la réunion de Pontivy, le contenu change cependant sensiblement : suite au refus de responsabilité des chefs d'établissement en cas d'ouverture du 3C par des élèves, il y aura toujours un adulte présent et l'ouverture sera votée en CA. Il précise à Saint-Brieuc qu’il n’envisage pas cette autonomie encadrée en dessous du niveau 5e en collège et que certaines structures d’enseignement spécialisé ne pourront pas recevoir de 3C, les élèves n’y étant pas en capacité de tenir un CDI.

Qui seront ces adultes présents sur l’intégralité du temps d’ouverture ? Le projet prévoit un partage des créneaux au sein d’une équipe ressource. Le 3C pourra ainsi être ouvert, en l’absence du professeur documentaliste, par le chef d’établissement, le CPE, les ASEN, les professeurs corrigeant leurs copies entre leurs heures de cours, un parent d’élève… « L'important pour favoriser des bonnes relations entre les élèves et les personnels, c'est d'impliquer tout le monde, y compris, pourquoi pas, le cuisinier qui peut ouvrir le 3C, je l'ai vu faire. », complètera M. Quef à Saint Brieuc. A Quimperlé cependant, un nouveau recul s’opère : il ne parle plus ni du CPE ni de l’équipe de direction.

Revenant sur la question de la discipline, M. Quef assure lors de la réunion rennaise que le « CDI est un lieu de droit : le règlement indique comment on le fréquente, comment on y travaille, comment… on y joue. La France est très en retard sur le ludo-éducatif ! ». M. Quef défend en effet une approche complémentaire élève / usager. Il faut, selon lui, regarder du côté des bibliothèques, qui se tournent vers l’auto-apprentissage, intègrent le jeu et prennent de plus en plus en compte la dimension sociale de leur public, à l’instar des Champs Libres.

Il réaffirme à Lannion comme lors des autres sessions, que les CDI sont tout à la fois des salles d'étude, des lieux de culture générale, des lieux dédiés à l'orientation, des lieux de plaisir et de remédiation cognitive. "Le CDI est une salle d'étude, dans le sens où c'est un lieu où l'on peut étudier, travailler avec des ressources, rencontrer des adultes pour se faire aider… C'est différent d'une salle de permanence !", ont noté les collègues assistant à la session de Rennes.

Le 3C intégrera ainsi des salles de travail, des salles numériques, mais aussi une ludothèque et des espaces spécifiques pour la tenue d’ateliers de maitrise de la lecture et de remédiation cognitive, à destination des élèves exclus de cours. Lors de la dernière session, il y ajoutera le bureau du CPE, le FSE, les salles d’entretiens. Cependant, il précisera à Quimperlé que cela ne sera possible que dans le cas de locaux neufs, soit un établissement construit autour du 3C. Deux cas de figure se présentent : pour les établissements neufs à venir dans les 5 à 10 ans, le 3C sera pris en compte ; mais pour les projets à venir dans les 2 à 3 ans, il déjà trop tard – par exemple, les 2 établissements scolaires actuellement en cours de construction n’ont pas une architecture facilitant la mise en place des 3C, cela ne sera pensé que pour les créations suivantes. Ce qui n’empêche pas de mettre en place dès à présent l’état d’esprit qui anime le 3C…

Des activités socioculturelles – journal scolaire, web radio, web-TV – seront proposées aux élèves, qu’il faut « occuper pendant les heures hors emploi du temps ».

Le 3C sera entièrement "ENTisé", le processus impliquant une véritable réflexion sur la dématérialisation. A Rennes, M. Quef évoquera même clairement l’hypothèse du passage de 7 rayonnages en Dewey à 2 seulement, par un désherbage fin, ne laissant que la fiction à côté de la presse de loisirs. Le "documentaire" sera en ligne… Le discours, là encore, s’est avéré mouvant : il précisera à Pontivy que si le CDI existe au sein de l’E.N.T., il doit aussi exister physiquement dans l’établissement. Et à Quimperlé, dernière session de la série, il garantira le papier au côté des autres supports, tout en insistant sur le fait qu’il faille permettre un accès aux TICE pendant et en dehors des heures de cours. Sur la question des TICE et du numérique, il mentionnera, toujours à Quimperlé, le cartable numérique comme solution pertinente au problème du poids des cartables.

Le 3C intégrera aussi, de manière forte et nécessaire, l'ouverture à l'international, afin de prendre en compte les évolutions proches de la structure des cursus scolaires, ces derniers devant intégrer de plus en plus de phases de stages à l’étranger – préparant ainsi les élèves au supérieur. Il cite ainsi à Rennes l'heureuse initiative d'une collègue qui aurait appliqué une double cotation dans son centre : en français et en anglais… Les collègues présents s’interrogent : les classifications ne sont-elles donc plus internationales ?

Le 3C espace de formation ?

Les éléments relatifs à la formation des élèves sont très disparates dans le discours entendu lors des différentes sessions. Nous avons donc effectué un travail de regroupement des éléments de discours entendus, afin de déterminer la place de ce volet, pour nous essentiel, dans le projet des 3C.

L’un des objectifs généraux du 3C, en termes de formation, est de préparer les élèves à l'enseignement supérieur. M. Quef s'appuie ici sur les constats de carence des étudiants faits par nos collègues du supérieur.

Les objectifs pédagogiques sont inscrits dans les finalités de l’espace 3C : autonomie, responsabilisation à travers les compétences 6 et 7 du socle commun, remédiation cognitive et maitrise de la lecture (qui correspondrait à la compétence 1 du LPC). La compétence 4 ne sera citée dans aucune réunion. M. Quef rappelle à Pontivy que selon le rapport Saget, si les professeurs documentalistes sont évidemment concernés par le LPC, ce travail n’est actuellement que peu, ou pas fait. On entendra parfois le terme de méthodologie, jamais celui de savoirs, sauf pour y substituer celui de « connaissances » – ainsi à Quimperlé, M. Quef déclarera « qu’il faut abandonner l’objectif d’acquisition de savoirs et passer à l’objectif d’acquisition de connaissances. Car connaître c’est avoir quelque chose à résoudre, donc une idée d’autonomie et de projet à construire ». A cette notion de connaissance s’ajoute par ailleurs celle de « plaisir ».

L'évolution vers les 3C n'entraînerait, selon les propos tenus à Saint-Brieuc, pas de recul de la pédagogie documentaire, ou de notre mission pédagogique en général. Le 3C serait un lieu d'apprentissage documentaire dans une approche plurielle. En effet, comme il avait été dit plus tôt à Lannion, « la documentation est une discipline encombrante lorsqu’elle est monovalente ». Il évoquera ainsi le « besoin d’un retour aux sources pour ce qui est "ludo-pédagogique." »

En termes d’objets d’enseignement, la prévention du cyber-harcèlement est presque le seul développé. Présenté comme une urgence et justifié par de récentes statistiques locales sur le suicide des jeunes, il relèverait de l’expertise du professeur documentaliste, en collaboration avec le CPE. La culture numérique ne sera par abordée autrement que par cet angle.

L’orientation sera aussi mise en avant, à travers le rappel que le professeur documentaliste, comme tous les enseignants, est concerné par le PDMF et la démarche orientante. Cependant, il ne sera traité ici que de la nécessité d’un désherbage fin et régulier (tous les deux mois) du kiosque ONISEP. (A Rennes et à Quimperlé, M. Quef mentionnera des exemples d’inspections de professeurs documentalistes négligents, au cours desquelles il vide le contenu kiosque dans des sacs poubelle)

Si le professeur documentaliste a un rôle dans la formation, c'est aussi celui de toute la communauté éducative. Cela ne doit pas se limiter à une "succession de séances par le professeur documentaliste"… Le conseil pédagogique, première instance de pilotage, doit être le lieu d'élaboration du PACIFI. A Lannion, la documentation sera décrite comme « une discipline contenant une forme épistémologique, mais aussi une in-discipline contenue dans toutes les autres disciplines ». A Saint-Brieuc, M. Quef rappelle que notre métier comprend une mission didactique, pédagogique et éducative.

Il privilégie pour sa part l'éducatif, face au mal-être des adolescents. Un accompagnement des élèves est nécessaire au sein du 3C, qui doit par conséquent être fréquenté par les enseignants (aujourd'hui, seuls 54 % des enseignants fréquenteraient les CDI – les usages concernés par ces statistiques ne sont pas précisés).

Concernant nos collègues CPE, M. Quef cite le rapport Saget pour rappeler le rôle majeur du CPE comme formateur et accompagnateur, notamment en heure de vie de classe. « Nous avons besoin de plus en plus de pédagogie documentaire et éducative. Il faut arrêter ces heures de vie de classe qui ne sont que la répétition d'heures de cours. ». Sur cette ligne d’idée, à Saint-Brieuc et Quimperlé, M. Quef annonce que le CPE pourra piloter l’équipe d’ASEN et celle des professeurs principaux dans le cadre d’un 3C. Il insiste sur le fait que « certaines pratiques doivent évoluer. Les CPE sont les experts de la VS mais leur service est trop cloisonné. ». L’ouverture autonome du 3C par les élèves, par exemple, serait une réelle occasion de donner un nouveau sens à la note de vie scolaire, s’adossant sur de véritables compétences : autonomie, responsabilité… le travail des CPE serait ainsi facilité en collège avec les 3C.

Métiers : missions et statuts

L’évolution souhaitée vers le 3C implique donc de facto un nécessaire rapprochement entre vie scolaire et CDI, dans le cadre de la politique éducative de l’établissement. Regrettant la séparation historique entre l’administratif, le pédagogique et la vie scolaire, M. Quef mentionnera à Lannion la méconnaissance réciproque des missions des professeurs documentalistes et des CPE, illustrée par le biais d’une curieuse généralisation : les CPE penseraient que « les documentalistes sont bibliothécaires », les documentalistes, que les CPE « sont des éducateurs spécialisés »… Cependant, le principe d’une nécessaire clarification des missions de chacun est effectivement à retenir.

Revenant à l’impact du modèle des 3C sur les métiers, M. Quef affirme qu’il n’impliquera en aucune manière de modification des statuts. Cependant, il engagera une modification des missions – mais pas par la voie, légale, de refonte des circulaires de mission, qui n’est pas à l’ordre du jour.

A Pontivy, il affirme que l’objectif n’est pas de fusionner 3C et Vie Scolaire. Si les ASEN sont physiquement présents dans le 3C, ils ont leurs propres espaces. Pourquoi, dans ce cas, choisit-il de faire systématiquement valoir l’exemple de Schiltigheim, à travers la projection du clip vidéo afférent, dans lequel on peut entendre, de la bouche même du professeur documentaliste, M. Absalon, les propos suivants ? "L'un des premiers objectifs de la fusion de la vie scolaire et du CDI, c'est la mutualisation des services et des compétences. On espère ainsi créer un guichet unique, vers lequel les usagers, que ce soit des profs ou des élèves, puissent se tourner et avoir une réponse à leurs questions. On espère, dans le futur espace ainsi créé, avoir des services performants, grâce aux outils mis à disposition, mais aussi on espère développer tout un système, un service d'ingénierie éducative, c'est à dire que les personnels du Learning centre vont faire le trait d'union entre les enseignements et la technologie. L'objectif principal d'un Learning centre est bien sûr de participer à la réussite de nos élèves. On espère mettre à leur disposition des outils, du matériel, qui participera de leur réussite, de leur travail et qui les forcera ou en tout cas les incitera fortement à vouloir rester au lycée, à travailler au lycée. Le second objectif, c'est bien évidemment de coller aux évolutions sociétales en développant un outil plus proche des réalités et des évolutions de lecture, de recherches, de travail…". Alors, entre la fusion et le fort rapprochement, où se situe la frontière, lorsque les collègues de Saint-Brieuc entendent, au détour d’une phrase, qu’il faut une polyvalence des personnels de la vie scolaire et du CDI ?

(Le visionnage du clip vidéo de Schiltigheim sera au passage, à Quimperlé, l’occasion d’un commentaire en forme de bilan d’étape de ce projet. M. Quef dit ainsi que depuis cette année, cet établissement n’est plus un learning centre mais un 3C, ce qui implique que dans cette vidéo certains points ne sont plus valables (lesquels ?). Il « vient par ailleurs de passer 8 jours complets dans l’établissement et a discuté avec tous : Doc, CPE, enseignants, chef d’établissement ». Il a constaté un recul sur le tutorat par les élèves, trop difficile à mettre en place ; le partenariat Doc/CPE fonctionne bien, les élèves sont contents, les exclusions de cours sont en chute. Cette structure « propose par exemple en ligne des cours d’Oxford et de Cambridge, très intéressant quand on sait que 80% des profs de ces universités sont des prix Nobel. Cette offre est donc très pertinente car elle permet à un élève de bac pro bureautique de suivre les cours d’un prof de socio de Cambridge ou d’Oxford »)
Quoi qu’il en soit, au-delà de ces aspects, d’autres éléments sont apportés au fil du discours sur les évolutions professionnelles en jeu.

Sans surprise, la notion de conseiller technique du chef d'établissement revient de nombreuses fois, applicable autant au prof doc qu'au CPE. Ainsi, à Rennes, M. Quef annonce : "Vous allez être, à terme, pilotes de projet, chefs d'équipe". A Lannion, le CPE voit ses missions évoluer vers une répartition 2/3 adjoint technique du CE – 1/3 vie scolaire.

Il ne s'agirait pas de fusionner politique documentaire et politique éducative mais de "concrétiser les enjeux communs en travaillant ensemble". La politique documentaire est abordée sous le seul angle de l'accès aux ressources, dans une logique de service.

A la question du partage de la responsabilité du nouvel espace 3C, M. Quef répond que le professeur documentaliste reste seul responsable. Mais de quoi, précisément ? De l’espace 3C dans son ensemble ? Du CDI intégré à cet espace ? Ce point n’est pas clair et demande des éclaircissements.

Panorama non exhaustif des questions posées lors des temps de débat/discussion

SESSION DE LANNION, 01/02/2013

  • Q. (Professeur documentaliste) : Le collègue souligne le choix des exemples caricaturaux, positifs ou négatifs. Il souligne aussi qu’il n’y a dans tout cela rien de révolutionnaire. A propos de l'amplitude d'ouverture, il oppose la quantité d'accueil à la qualité.
  • R. (M. Quef) : C'est tout à fait ce que j'ai dit, plein de choses se font déjà, vous êtes autiste. Mais il faut définir des espaces communs éduc/doc et même si on y oppose le principe de réalité, il faut tout de même réfléchir à la mise en place de tout ou partie de ce qu'est un 3C (ce n'est pas seulement dépendant des espaces).
  • Q. (Professeur documentaliste) : Plus d'ouverture du CDI est un vœu partagé, mais il y a des contraintes de terrain et concernant l’implication de différentes personnes, je voudrais dire qu’ouvrir un CDI est moins simple qu'il n'y paraît.
  • R. (M. Quef) : Ce qui compte, c'est que ce que l'on fait, on le fasse bien.
  • Q. (CPE) : Nous avons une identité professionnelle, comme un artisan. Je crains que le lieu ne devienne un espace de type supermarché. Vous nous avez donné l'exemple de la confusion au sujet du terme « ami » sur facebook. Ne risque-ton pas d'introduire une confusion similaire dans la tête des élèves, si on les confronte à un espace global ? Qui l'élève viendra-t-il voir au 3C ? Ou bien viendra-t-il seulement partager une tranche de vie ?
  • R. (M. Quef) : Certains services de vie scolaire sont conçus pour attirer les élèves. C'est un point de vue politique : une politique d'établissement autour de cette idée est nécessaire.
  • Q. (CPE) : Sur la question des statuts, l’évolution formulée vers un statut de conseiller technique du chef d’établissement serait une mise en péril des relations avec les enseignants et les professeurs documentalistes.
  • R. (M. Quef) : Il n’est pas question d’une modification des statuts, mais d’une modification des missions.
  • R. (proviseur) : Les CPE sont proches du corps de direction, en particulier dans les établissements où il n'y a pas de poste d'adjoint. On travaille de manière artisanale et personnelle, de façon affinitaire. Il faut changer de posture, c'est la condition pour s'entendre sur un projet commun : quitter l'artisanat.
  • Q. (Professeur documentaliste) : Comment mettre en place une formation des élèves dans un gros collège quand il n’y a qu’un seul poste ?
  • R. (M. Quef) : Nous ne sommes pas dans un contexte de moyens supplémentaires. Il faut déléguer aux élèves, à un système pédagogique (ex. : un ASEN qui tient le CDI pendant 1 heure). Je vous donne l’exemple d'un collègue qui fait déjà tourner le CDI par les élèves sur 60% du temps. Osez ! L'académie peut déléguer des moyens au cas par cas, selon le projet de politique documentaire.
  • R. (proviseur) : Une autre solution consiste à énoncer des vœux pour organiser les emplois du temps.

SESSION DE RENNES, 08/02/2013

  • Q. (Professeur documentaliste) : Pouvez-vous nous préciser par quel processus vous parvenez à passer de sept rayonnages Dewey à deux ?
  • R. (M. Quef) : Il ne s'agit pas de suppression, mais de désherbage fin. Mais on rentre dans le technique… on vous communiquera bientôt des fiches sur cette question.
  • Q. (CPE) : J’ai du mal à envisager la mise en place du 3C dans un contexte de manque de moyens matériels et humains…
  • R. (M. Quef) : Vous n'avez pas besoin de moyens supplémentaires pour ouvrir le midi, juste de temps, au départ, pour former les élèves afin qu'ils puissent le faire.
  • Q. (CPE) : Je souhaitais souligner l'opposition entre une volonté de faire changer les choses et une circulaire ancienne qui ne bouge pas.
  • R. (M. Quef) : Il y a 150 IA-IPR EVS en France, qui ont tous demandé cette refonte, mais c'est difficile ; la dernière tentative s'est vue bloquée par ce fantasme collectif selon lequel vous alliez devenir adjoints de direction…

SESSION DE PONTIVY, 11/02/2013

  • Au terme des ateliers, les difficultés suivantes sont soulevées par les rapporteurs :
    • Nécessité de temps de concertation. Sur quels créneaux horaires ?
    • L’autonomie (des élèves) ne se décrète pas
    • Méfiance quant au glissement des statuts CPE/doc
    • Hétérogénéité
    • Contraintes liées aux locaux
  • R. (M. Quef) :
    • Les 3C sont une opportunité de collaborer
    • Il n’y aura pas de glissement de statut, bien un glissement de tâches, de missions : les documentalistes deviendront des « systémiciens »
    • M. Quef voudrait que la dimension éducative apparaisse davantage lors de l’inspection des enseignants et qu’il y ait une « acculturation » des profs à cette dimension.
    • Concernant l’autonomie, les attentes ne sont pas les mêmes en collège ou en lycée
  • Q. (Professeur documentaliste) : Quelle différence faites-vous entre les concepts de Learning Centre et de 3C ?
  • R. (M. Quef) : Le L.C. est un concept « préfabriqué », clé en main. Le 3C, c’est strictement l’inverse, c’est un état d’esprit. Il n’y a pas de texte officiel le régissant, pas d’idéologie. C’est juste une idée.

SESSION DE SAINT-BRIEUC, 19/02/2013

Q. (Professeur documentaliste) : Le Vademecum ne parle que du lieu, pas de nos métiers. Et la circulaire de 86 ?
R. (M. Quef) : Il n'y aura pas de refonte de la circulaire, ni de référentiel métier dans la cadre de la mise en place des 3C. (Renvoi aux instances paritaires.)

  • Q. (Professeur documentaliste) : Vous opposez capacité d'autonomie et formation à l'information. L'autonomie se construit sur une formation à la culture de l'information. Comment articulez-vous ces deux termes ?
  • R. (M. Quef) : C'est effectivement un paradoxe. Mais l'autonomie ne se construit pas seulement dans cette formation à l'information. Il faut autonomiser et responsabiliser l'élève.
  • Q. (CPE) : Quels moyens ? Vous envisagez une ouverture maximale, alors que nous sommes déjà à flux tendu.
  • R. (M. Quef) : Contactez le collège de Moëlan-sur-Mer, ils y arrivent… 80 % des professeurs sont d'accord pour corriger leurs copies en surveillant le 3C.
  • Q. (CPE) : L'ouverture méridienne du 3C ne risque-t-elle pas de se faire au détriment des autres activités organisées sur ce temps ? Comment animer cet « open space » et avec quels personnels ?
  • R. (M. Quef) : Il faut faire des choix. Il faut traiter le mal-être des élèves.
  • Q. (CPE) : Il ne suffit pas de nous culpabiliser par rapport au mal-être des élèves pour que nous puissions y faire quelque chose. Nous avons déjà de nombreuses tâches à assumer…
  • R. (M. Quef) : Je ne vous culpabilise pas, il faut avoir une vision non-négative de ce projet.
  • Q. (CPE) : Alors le 3C remplace la salle des profs (pour les corrections de copies) ?
  • R. (M. Quef) : Non, pas du tout. Mais il faut travailler ensemble sur le hors-cours : ASEN, documentalistes, CPE.

SESSION DE QUIMPERLE, 22/02/2012

  • Q. (CPE) : Je vois un écart entre la réalité et ce qui est proposé. L’absence de cadre réglementaire – pourtant utile – pourrait mettre des collègues en difficulté. Quelle concertation y a-t-il eu ? Des inquiétudes possibles, des risques de glissements également.
  • R. (M. Quef) : Au contraire, si il y avait un cadre, on imposerait des choses, alors qu’ici, on ne fera rien sans vous et encore moins contre vous. Il n’y aura aucune contrainte ni obligation, mais accompagnement en douceur.
  • Q. (CPE) : Il y aura confusion des rôles dans l’esprit des élèves : qui est doc, qui est CPE ?
  • R. (M. Quef) : Oui, il faudra bien expliquer la différence aux élèves.

Synthèse et conclusion

A Brest, la synthèse est réalisée lors du temps "synthèse flash" final, par un rapporteur pour chaque groupe ; M. Quef a souvent interrompu la parole des collègues pour apporter "sa" réponse. Les différentes prises de parole des collègues ont toutefois fait émerger que ce qui gène le plus, au delà de l'imposition du concept, est le sentiment que le diagnostic sur lequel il s'appuie est obsolète : du côté des élèves, on ne peut plus penser la fracture numérique en terme d'accès aux équipements, mais bien plutôt en termes de maitrise et d'usage raisonné du numérique, c'est là que se situe le besoin.

A Pontivy, l’importance de travailler tous dans la même direction sera mentionnée, ainsi que la nécessité d’un pilotage-conseil clair du chef d’établissement. Les 3C seraient l’occasion de développer l’auto-formation, de mieux comprendre les besoins des élèves. Ils pourraient permettre d’optimiser le temps des élèves, surtout dans les établissements ruraux. Ils participeraient à la rencontre de deux métiers.

A Saint-Brieuc, M. Quef a conclu en regrettant que les interventions individuelles aient été nombreuses et aient pris beaucoup de temps, ce qui a empêché la tenue des ateliers. Mais il indique avoir pu discuter dans les couloirs avec des documentalistes et des CPE, qui se seraient trouvés d'accord avec lui sur l'évolution nécessaire des CDI vers les 3C. Selon lui, ces personnels n'auraient pas osé se manifester pendant les interventions dont ils auraient dénoncé l'agressivité et le mauvais esprit. M. Quef s’est également dit étonné de la tournure de cette conférence ; il a trouvé beaucoup de méfiance dans les interventions et même de l'agressivité à son égard. Il est déçu par cette demi-journée qui, selon lui, n'a pas permis un débat de bonne tenue.